Écrivain-voyageur, Sylvain Tesson est l’auteur de plusieurs expéditions à travers le monde. Des steppes de Mongolie aux îles Shetland, en passant par le Tibet ou la Sibérie, il ramène de ses périples des récits aux airs d’invitation au voyage. Nous l’avons rencontré lors de son passage aux Arcs l'été dernier, l’occasion d’échanger sur sa vision de l’aventure…
Quelle est votre motivation pour partir à l’aventure ?
Mon grand plaisir et ma fonction, c’est d’écrire. J’aime écrire des histoires. J’aime les mots, la littérature, le récit, les livres et la forme écrite du souvenir. Or, quand on veut écrire, soit on est capable d’imaginer ce que l’on veut dire, soit on n’a pas d’inspiration pour inventer des histoires. Auquel cas, on est obligé de les vivre. Et c’est là où je me suis rendu compte que l’aventure vécue, les péripéties, l’effort physique, la mise en danger de soi-même, la découverte, l’exploration… tout cela procurait des sources d’inspiration inouïes pour l’écrivain que je suis et que cela permettait d’alimenter la source de mes livres. C’est essentiellement pour cela que je voyage, j’ai besoin de vivre pour écrire.
La micro-aventure est un concept à la mode ces derniers temps. Qu’en pensez-vous ?
Je m’intéresse peu aux nouvelles manières de dire les choses. Je pense qu’il n’y a pas de rapport proportionnel entre l’intérêt d’une aventure et la distance que l’on parcourt pour l’accomplir. Il peut y avoir des découvertes superbes à faire dans le carré d’herbe de son jardin. Un jour, le photographe Vincent Munier, qui m’a emmené voir la panthère des neiges au Tibet, m’a entraîné en forêt en Champagne pour voir des blaireaux : j’ai été emporté de la même façon que lorsque je me trouvais à 10 000 km de chez moi. Si vous avez l’esprit de curiosité, à 1km ou 10 000km de chez vous, vous pouvez être récompensé. Beaucoup de gens dans la vie commettent cette erreur de penser qu’en parcourant de la distance, ils vont améliorer leur capacité de voir les choses ou de s’enthousiasmer. Si on a un cœur ouvert à toutes les possibilités du merveilleux, on peut le vivre en bas de chez soi en plongeant son nez dans l’herbe, en regardant les étoiles…
Ce merveilleux, c’est particulièrement ce que vous êtes allé chercher dans votre dernière aventure…
Je suis effectivement parti sur un bateau à voile de la Galice espagnole jusqu’aux Shetland écossaises, au bord de falaises et de promontoires celtiques pour réfléchir au thème de la féerie et du merveilleux. Je me suis aperçu que le merveilleux apparaissait pour peu qu’on le convoquât, qu’il s’agissait donc d’un état d’esprit, d’une mise à disposition de son âme et de son esprit pour faire jaillir les raisons de s’émerveiller.
Et les fées de votre dernier livre, les avez-vous rencontrées…
Il ne s’agit pas de faire apparaître des êtres surnaturels… Une disposition du regard pour essayer de s’enchanter de la complexité des choses dans le monde floral, animal, minéral, ou climatique suffit à l’enchantement. Il faut d’abord regarder de toutes ses forces, observer avec une espèce d’infinie reconnaissance du miracle que nous a donné la vie de pouvoir contempler ses merveilles. C’est ça l’esprit du merveilleux, pas d’imaginer que des fées à tutu et clochettes apparaissent derrière un buisson d’aubépine.
Quand vous vous retrouvez au cœur des montagnes comme en Tarentaise, que ressentez-vous ?
J’ai passé des années de ma vie à traverser des immenses steppes continentales, toutes plates, monotones… malgré les milliers de kilomètres qu’on pouvait effectuer. Ce que j’aime dans la montagne, c’est précisément le contraire : 10 mètres et vous changez de monde, une vallée et vous changez d’univers, une crête et vous changez de langue, 100 mètres et vous changez d’écosystème...
Écrire vos récits de voyage, est-ce pour le plaisir ou pour rendre réelle votre épopée ?
L’écriture ne me permet pas de rendre plus réel ce que j’ai vécu, mais cela me permet de le confirmer, de le clôturer, de l’adouber… J’ai l’impression que mes aventures ne sont pas tout à fait finies tant qu’elles ne sont pas écrites. J’aime cette idée que le point final d’un voyage ou d’une aventure, c’est le point final de son récit.
(Colonne)
« Avec les fées »
Pendant quatre mois, Sylvain Tesson a mis les voiles sur la côte atlantique, de la Galice aux îles Shetlands, et en a tiré le sujet de son dernier roman. En rejoignant les falaises à la nage, en les escaladant comme un crabe, un peu dans l’iode, un peu dans le photon, un peu anémone de mer, un peu bigorneau, il est parti à la recherche des fées et a trouvé sa part de merveilleux.
Éditions des Équateurs
224 pages • 21€ • janvier 2024
Parmi ses autres ouvrages
Éditions des Équateurs
224 pages • 21€ • janvier 2024
Parmi ses autres ouvrages
• La marche dans le ciel (1998)
• L'axe du loup (2004)
• L'axe du loup (2004)
• Petit traité sur l’immensité du monde (2005)
• Dans les forêts de Sibérie (2011, Prix Médicis Essai)
• La chevauchée des steppes (2013)
• Bérézina (2015)
• Sur les chemins noirs (2016)
• La panthère des neiges (2019, Prix Renaudot)
• Blanc (2022)
• Blanc (2022)